ft Emma, dans son cabinet.

Sa cheville le faisait souffrir comme un chien. Il retint un cri de douleur quand le médecin la manipula, se penchant sur elle et la touchant de toute part, afin de se rendre compte de l'amplitude de sa blessure. C'était simple, il avait un pied qui avait la peau sur les os et l'autre qui ressemblait à un pied d'obèse, mais cela ne semblait pas suffire au médecin qui tâtait encore et encore son entorse à vif. « Bon, c'est un grosse entorse tout ça. » Non, sans blague. Il avait envie de l'insulter de tous les noms à lui parler ainsi comme un enfant, mais Apollinaire se retint. Il ne faisait que son travail. Très mal, selon son avis, mais il le faisait. « Une très grosse entorse même. Je vous donne des béquilles, une atèle et vingt bonne séance de kiné. » Vingt ? VINGT ? Mais ça allait lui prendre combien de temps ça ? Il n'avait pas le temps de passer autant de temps à se faire masser la cheville pendant vingt séance, il avait une entreprise à faire tourner. « C'est une jeune femme vraiment charmante, vous allez voir » dit-il tout en raccrochant le téléphone. « Elle peux vous prendre cette après midi à quinze heures. » dit le médecin, un sourire sur les lèvres. Ça n'aurait pas été une jeune femme vraiment charmante, il lui aurait fait bouffer son téléphone en lui disant qu'il était prit et qu'il avait quelque chose de plus important à faire que ça, mais, dès qu'on parlait de jeune femme vraiment charmante, il ne pouvait pas résister. C'était plus fort que lui. « J'y serais oui. » et il y était, là, en ce moment même, a trois heures moins cinq, s'asseyant lourdement sur un fauteuil de la salle d'attente, restant fixé sur son téléphone à tuer toutes sortes de monstres au simple contact de ses doigts. Sa cheville, qui était sur le point d'imploser, était recouverte d'une atèle qui le faisait souffrir comme pas deux et son pied nus était couvert d'hématomes qui était apparu peut après la chute. Il aurait su que ça pouvait devenir aussi moche, il l'aurait fait amputer et puis basta. Et puis, on finit par appeler son nom. Enfin presque. « Smirnoff ? » Il se grandit sur sa chaise, tous ses muscles se crispant. Ce n'était décidément pas son jour. « SmirnoV » dit-il, d'un ton sec, presque méprisable à ce qui semblait être une secrétaire, qui l'amena devant une porte assigné du nom Lennox. « Je ne vous souhaite bien sûr pas une bonne journée. » dit-elle, tout en partant la tête haute, vexée. Pauvre chérie, pensa le serbe, tout en toquant à la porte, attendant qu'on vienne lui ouvrir. A vrai dire, il s'en foutait un peu d'avoir vexée une employée qui ne savait pas lire les noms de familles ou de perdre son temps dans un cabinet de kinésithérapeute. Lui, tout ce qu'il voulait, c'était pouvoir marcher à nouveau, car, disons le, avec des béquilles, ce n'était pas la joie. Il s'appuyait difficilement sur ses bras frêle et sa jambe droite, celle qui était intacte, était déjà fatiguée de porter tout le poids du jeune homme et une crampe y apparaissait toute les cinq minutes. Non, décidément, ça n'aurait pas été une jeune femme vraiment charmante, il serait déjà pendu au bout d'une corde.

La matinée s'était déroulée dans un calme déroutant. Personne ne travaillait au cabinet aujourd'hui, seulement elle et son antipathique secrétaire. C'était une vieille femme acariâtre qui vivait incroyablement seule. Elle n'avait pas même un chat pour lui tenir compagnie. Mais Emma était à peine étonnée... Un chat n'aurait pas supporté cette compagnie et se serait enfui à peine la fenêtre ouverte. Elle se demandait souvent ce qui avait fait de leur secrétaire une femme aussi désagréable. Il s'était très certainement passer quelque chose dans sa vie pour qu'elle soit à ce point méchante. Mais elle faisait bien son travail, c'était tout ce qui comptait. Après tout ce n'était pas elle qui s'occupait des malades. Heureusement... Qui sait ce qu'elle aurait été capable de leur faire subir par pure méchanceté. Mais Emma était la seule personne du corps médical dans le cabinet aujourd'hui. Et il lui semblait ne pas s'en tirer trop mal. Mais il n'y avait personne pour elle. Pas de blessure de guerre à faire soigner. La sonnerie du téléphone retentissait sans arrêt dans le bureau de l'horrible secrétaire mais elle ne prenait que des rendez vous pour le lendemain. Des malades dont le nez coulait, probablement. La jeune femme faisait toujours transférer les appels vers son cabinet, pour prendre elle-même ses rendez-vous. Un seul vint la tirer de son ennui mortel ce matin là. Les pieds sur son bureau elle accepta une consultation pour cet après midi. Elle aurait le temps de prendre une pause déjeuner. Le médecin qui la contactait était un homme d'une gentillesse sans égale. Emma lui avait fait un jour sa rééducation et depuis il la conseillait toujours. Elle ne lui serait jamais assez reconnaissante pour tous les patients qu'il lui avait fait gagné. Elle prenait son métier très à coeur et rêver de pouvoir soulager tous les blessés. Mais ce n'était pas toujours possible.
A 15h pétantes, on frappa enfin à sa porte. Emma se précipita pour ouvrir. Elle allait enfin avoir une utilité, même quelconque, pendant la journée. C'était inespéré tant le patient était rare aujourd'hui. Elle s'arma de son plus beau sourire pour accueillir son nouveau patient. Elle avait eu assez de temps pour lire le dossier de prise de rendez vous et ne pas écorcher le nom et le prénom de son nouveau patient. Elle ouvrit la porte et tendit la main à M. Smirnov. "Bonjour, M. Apollinaire Smirnov je présume. J'espère que notre secrétaire n'a pas été trop désobligeante avec vous. Asseyez vous, je vous en prie." Elle lui désigna une chaise, face à son bureau. Elle n'avait pas besoin de ses notes pour commencer le questionnaire de rigueur mais elle trouvait que les papiers étalés sur son bureau donnaient un air plus professionnel et plus sérieux. Emma attrapa le premier stylo qui lui tombait sous la main pour compléter les informations sur son patient. "Hmm, voyons... Vous êtes là pour une entorse à la cheville nous sommes d'accord ?! J'ai besoin de connaître la date de votre blessure ainsi que de savoir -si ce n'est pas trop privé évidemment- comment vous vous êtes fait ça. Non que je sois curieuse rassurez vous, c'est simplement pour savoir à quel type de torsion j'ai à faire !" Elle grimaça légèrement. Elle avait toujours besoin de justifier les questions d'usage car il lui semblait qu'elles pouvaient être un peu invasives. Certain refusaient de mentionner la manière dont ils s'étaient blessés.

Apollinaire put constater que le médecin ne lui avait pas menti à la seconde où la jeune kinésithérapeute ouvrit la porte. Elle avait de longs cheveux bruns qui lui chatouillait les épaules et un sourire d'ange, des yeux pétillants qui apportait le soleil alors que lui, avec ses cheveux en batailles, ses cernes qui lui prenaient la moitié du visage et ses nouvelles béquilles sur lesquelles il avait du mal à tenir, avait l'air bien ridicule. « Bonjour, M. Apollinaire Smirnov je présume. J'espère que notre secrétaire n'a pas été trop désobligeante avec vous. Asseyez vous, je vous en prie. » Il sortit un sourire. Enfin un médecin qui ne sortait pas son affreux prénom serbe, Maverick. D'ailleurs, aucun d'eux ne savaient vraiment le prononcer, mais il fut presque reconnaissant à la jeune femme de n'avoir seulement dit « M ». Ça lui aurait presque fait de la peine de rembarrer une aussi jolie fille. Elle lui désigna une chaise en face d'elle alors qu'elle s'asseyait tranquillement, des notes éparpillés sur son bureau. Ça faisait un peu désordre, mais ça donnait l'impression qu'elle croulait sous le travail alors qu'Apollinaire n'avait croisé personne dans la salle d'attente. « Elle n'a pas été plus désobligeante que la plupart des personnes âgées qui m'adressent la parole » dit-il, tout en s'asseyant péniblement à cause des béquilles. Après quelques secondes de manœuvres douteuses, il put enfin se tenir en face d'elle. « Hmm, voyons... Vous êtes là pour une entorse à la cheville nous sommes d'accord ?! » Il hocha la tête sans sortir un mot alors que le docteur Lennox – c'était marqué sur la petit plaque posé sur son bureau – avait pris un stylo pour compléter ses notes. « J'ai besoin de connaître la date de votre blessure ainsi que de savoir -si ce n'est pas trop privé évidemment- comment vous vous êtes fait ça. Non que je sois curieuse rassurez vous, c'est simplement pour savoir à quel type de torsion j'ai à faire ! » Elle avait l'air gêné alors qu'il eut un petit rire. C'était son métier, c'était normal qu'elle demande ce genre de choses. « Ce matin, environ huit heures trente. » Il croisa ses mains sur son ventre. « Et je suis tombé dans les escaliers. C'est un peu honteux, j'admets, mais pas trop intime je pense. » Il se tenait droit sur sa chaise, ne lâchant pas la jeune femme des yeux. « Le docteur a dit que c'était une grosse entorse et que j'aurais besoin de vingt séance. » Cette fois, il prit un air inquiet. Ça allait sûrement prendre beaucoup de temps et ça ne l'arrangeait vraiment pas du tout, alors il décida de prendre le taureau par les cornes. « J'ai un apparition publique dans deux semaines et il faut que je sois capable de marcher, au pire avec une canne. Mais je ne peux résolument pas rester comme ça. » Il croisa ses main en triangle, ses doigts se rejoignant sous son menton. Il aurait presque eu l'air d'un businessman sérieux si on enlevait son air d'adolescent éternel et son style vestimentaire douteux. Son regard qui soutenait celui de la jeune femme n'en était pourtant pas moins sérieux.