Les murs blancs semblaient se mouvoir auprès de la demoiselle. Kalina n'aimait pas être enfermée dans de petites pièces mal éclairées. La blonde préférait fortement la lumière du soleil aux lumières synthétiques. La femme en avant d'elle la regardait d'yeux de braise. Son ''amie'', comme elle prétendait être, était une très belle dame. Dans la trentaine voire début quarantaine, elle possédait de magnifiques cheveux roux qui se bousculaient entre eux pour trouver une place sur ces belles épaules. Un corps mince, pour une femme ayant eut quatre enfants. Des lunettes noires, qui contrastaient parfaitement avec sa chevelure et son habit blanc. Kaly porta se regard vers elle, prête à être harcelée de questions.

PSYCHOLOGUE ▬ Kalina. Comment vas-tu, aujourd'hui ? Comment te sens-tu ?

KALINA ▬ Oh, vous savez, c'est la même rengaine tous les jours. Je vais mal, ensuite je pleure, ensuite je suis en colère. À la longue, on s'habitue. J'tente de vivre une vie normale. Après tout, ça fait seulement trois mois... Elle me manque tellement...

PSYCHOLOGUE ▬ Je te comprends, ma belle. J'ai aussi vécu un deuil. Toutefois, là, c'est de toi qu'on parle. De quoi aimerais-tu me parler, aujourd'hui ?

KALINA ▬ Puis-je vous parler de la journée où on m'a annoncée la façon dont elle est morte ?

La psychologue acquiesça d'un mouvement léger de la tête. Kalie souriait, pour la première fois depuis bien longtemps, malgré ses passes heureuses. La jeune demoiselle aimait beaucoup Mme. Higgings, qui l'aidait énormément dans son acceptation de la mort d'Alyxe. Ayant été proches durant 19 ans, c'était difficile d'accepter. La demoiselle planta son regard azur dans celui de Mme. Higgings et raconta.

C'était une journée pluvieuse, une magnifique journée comme Kalina les aimait. Pluvieuses. Le ciel pleurait, disait Alyxe. « Non, chérie. Le ciel pleure de joie parce qu'il est heureux. » soufflait sa soeur, toujours heureuse lors des jours de pluie. Mais celle-ci s'avérait orageuse, et l'eau coulait densément. « Des clous » ne cessait de répéter leur maman. Elles souriaient toujours à ces mots. La comparaison était évidente. La pluie claquait si fort sur l'asphalte qu'on l'entendait de l'intérieur.
Vint le soir. La noirceur s'était installée depuis bientôt deux heures, il était dix-huit heures. L'automne était bien placé, et allait faire place à l'hiver dans quelques semaines. Alyxe était sortie avec des amis, gens peu fréquentables, selon sa soeur. Toutefois, Lyxe était une grande fille, et elle saurait se débrouiller. Du moins, c'était ce que tous croyaient. Apparemment, ils se trompaient lourdement...

Le lendemain, les policiers étaient venus voir les Lockwood pendant que Cassiopéa était en cours, à l'Université. Ses parents s'étaient effondrés - sa mère perdit même conscience durant trente minutes - en apprenant une nouvelle qui changerait leur vie à jamais.

POLICIÈRE ▬ Excusez-moi de vous déranger de si bon matin, mais votre fille...

M. LOCKWOOD ▬ Quoi ? Alyxe va bien ? Et Kalina ? s'empressa-t-il de demander, anxieux.

POLICIER ▬ Monsieur, calmez-vous. Bien que ce soit un gros effort que je vous demande là... Alyxe May Lockwood a été retrouvée hier soir... Elle a perdu la vie. Monsieur, madame, connaîtriez vous quelqu'un qui souhaitait du mal à votre fille ? demanda le policier.

MME. LOCKWOOD ▬ Non! NON! Pas... Pas Lyxe... Pas mon bébé... Pas ma chérie..., fit sa mère, prise de panique, comme si elle ne pensait plus à Cassiopéa en ce moment.

M. LOCKWOOD, ayant à peu près tout ses esprits ▬ Comment?

Les policiers se regardèrent, inquiets de la réaction future que pourraient avoir deux parents désarçonnés par la situation. La policière fit signe à son coéquipier qu'elle prendrait la relève.

POLICIÈRE ▬ Asseyez-vous. La nouvelle est déjà terrible, nous ne voulons pas vous causer plus de tords.

Après que M. Lockwood se soit assis, il toisa la femme, qui le regardait d'yeux compatissants.

POLICIÈRE ▬ Votre fille... A été assassinée. Dix ou onze coups de couteaux, le légiste nous donnera les informations justes ce soir. La pauvre s'est vidée de son sang, alors que son agresseur tentait de cacher le corps. Je suis sincèrement désolée. Si vous avez besoin...

MME. LOCKWOOD ▬ ...

La pauvre dame perdit connaissance, et ils allongèrent la femme sur le sofa. Ils savaient qu'elle se réveillerait plus tard, alors ce n'était pas nécessaire de faire l'effort et de payer une ambulance. Les policiers reprirent le chemin vers le Poste, tandis que les deux parents tentaient de gérer la nouvelle...

KALINA - Et c'est ce soir-là que j'ai appris que ma soeur était morte. Mais je me pose encore et encore des questions. Que faisait-elle seule ? Pourquoi ses putains d'amis ne pouvaient pas être avec elle, pour une fois ? Alyxe était seule! À quatre heures du matin, vous vous rendez compte ?, la jolie blonde pleurait, désormais. Et elle hurlait.

MME. HIGGINGS ▬ Je sais, ma belle. Je sais que c'est difficile. Crache toute ta colère, je suis la pour ça. Et tu sais à quel point je suis désolée pour ta soeur...

Kalina n'en pouvait plus. Elle hurla sa rage. Un cri qui dura une dizaine de seconde, et qui se termina en plainte, une plainte sourde. La jeune femme pleurait désormais toutes les larmes qu'elle pouvait puiser. Elle cognait la chaise, elle tentait de prouver à quel point elle était fâchée. Toutefois, personne ne pourrait jamais comprendre sa colère. Personne ne pourrait jamais se rendre compte à quel point c'était douloureux de perdre une soeur. Elles avaient grandi ensembles, à Newcastle. Elles étaient deux des filles les plus charmées de l'Université. Deux jumelles extrêmement proches et intelligentes. C'est ce jour-là que sa psychologue lui avait recommandé de pratiquer une activité qui lui permettrait de laisser libre court à ses émotions. Kalie choisi la danse et l'écriture. Déjà, elle aimait écrire, mais pas sa vie personnelle. C'était la première fois qu'elle étalait ses émotions carte sur table devant une personne qui lui était presque inconnue.

KALINA ▬ Merci de m'avoir écoutée. On se voit mardi prochain ?

MME. HIGGINS ▬ Eh bien, ça m'a fait plaisir. Et, si tu en sens le besoin, je t'invite à venir. Toutefois, si tu t'sens d'attaque pour une vie sans consultations, et bien je te dis au revoir.

Kalina sourit à la bonne dame, malgré les larmes qui ruisselaient sur ses joues, et elle se précipita vers la porte, n'oubliant pas ses choses. Elle prit ses clés, et dans un dernier sourire adressé à sa psychologue, elle franchit la porte pour accéder à sa nouvelle vie...
___________________

« Malgré tous les petits bonheurs de la vie comme l'argent, les biens matériels et bien d'autres (le chocolat!), nous ne sommes jamais heureux sans les personnes aimées. Vous en déduirez donc que je ne suis toujours pas heureuse ? Pas totalement. Je pleure encore, je suis toujours triste. J'ai du mal à m'en remettre, à ne pas y penser. Ça me fait souffrir, et la sensation des couteaux est toujours là... Mes parents m'offrent tout : nouveaux vêtements, nouveau portable, nouveau téléphone... Mais ils ne comprennent pas que ça ne suffisent pas. Aucun bien matériel, aucune monnaie, aucune amie, aucun copain ne pourra remplacer ce que j'ai perdu à jamais. Ma moitié, ma soeur. Et croyez-moi, un deuil est la pire chose qu'un être humain peut vivre.
Je m'occupe. Je tente de ne pas y penser, mais si seulement tu saurais à quel point ça m'est difficile. Je ressens cette boule, cette souffrance en moi qui me dit que ça ne s'arrangera jamais. Mais j'ai l'espoir qu'un jour, j'aurais un mari et des enfants et qu'ils m'aideront à passer au travers de tout ça. » ▬ Journal de Kalina, deux mois après la thérapie.