Il y a des journées dont on se passerait volontiers. Aujourd'hui, ça en faisait plus que parti. Impossible d'avoir la paix deux minutes. "Les supérieurs veulent te voir". Eh bien moi, les supérieurs, je les emmerde, voilà. Oui, j'ai fouillé dans les casiers judiciaires. C'est mon droit, non ? Mais noon, pas pour eux, c'est un crime grave, je risque ma place. Les gens sont cons. Voilà à quoi se résumaient les charmantes pensées qui me montaient à l'esprit en cette fin de journée. J'en avais plus qu'assez de me plier à des vieux types bedonnants, qui se disent supérieurs et professionnels. Qu'ils laissent la place à des personnes compétentes pour une fois. Ça nous changerait la vie. Quand c'était pour soûler le monde, toujours quelqu'un de libre. Mais une affaire délicate, où il y a besoin de main d'oeuvre, personne! Je comprenais que tout le monde se plaigne. Je shootais violemment dans un caillou et l'observait voler quelques mètres plus loin, et rebondir. Ça me soulageait pas vraiment, mais tant pis. Peut-être que si je la refaisais en imaginant mon patron à la place du caillou...Je préférais arrêter mes idées meurtrières tout de suite, avant que ça se transforme en obsession. De toute façon, un de ces jours, ils finiraient bien par déguerpir, tous. Sans me faire d'illusions, il y aurait éternellement quelqu'un pour me taper sur le système. En revanche, la personne qui réussira à avoir le dessus sur moi n'est pas née.

Je n'étais pas d'humeur à rentrer chez moi. Plutôt aller dans un endroit peuplé, et me trouver une activité qui ne me demande pas de penser au boulot. Draguer par exemple. Ce n'était pas franchement l'heure d'aller m'amuser un peu en boîte par exemple, alors j'opterais pour un endroit plus fréquenté à cette heure-ci : le Starbuck. Prendre un café, autre que le dégueulasse du commissariat, ça serait pas de refus. Je poussais la porte du bâtiment et m'enfonçais dans la pièce, pas tellement bondée contrairement à ce que je pensais. La chaleur ambiante me fit réaliser le froid extérieur, qui ne m'avait même pas effleuré. Quand on a les idées à autre chose, c'est pas qu'un peu. Mes yeux firent le tour de la pièce avant de s'arrêter sur une table, occupée par une jeune femme. Pas désagréable à regarder la demoiselle, je dirais même franchement jolie. J'allais jusqu'à sa table et me penchait à son niveau, avec un sourire charmeur.


C'était pas vraiment le jour pour me mettre un vent, mon humeur superficiellement bonne pouvait s'en prendre un coup sévère. Cette manie de draguer les jeunes femmes seules à leur table ne me prenait heureusement que trop peu souvent pour que ce soit une habitude. Sur un malentendu ça pouvait marcher après tout.

Hope regarde son café avec regret. Ses pensées tournent et retournent son cerveau, provoquant un mal de tête aigü, accentué par le brouhaha ambiant. Comment vas-tu finir le mois ? Et le loyer, tu as pensé au loyer ? Tu vois, le peu d'argent que tu as, tu le dépenses en clopes, en fringues, en cafés qui ne te serviront à rien à part t'énerver un peu plus. Ça s'apeller jeter son fric par la fenêtre, ça. * Ta gueule. *. D'un geste vague de la main, elle fait taire sa conscience et commence doucement à siroter son café. Non mais, c'est vrai, tu ne vas pas vivre toute ta vie sur le dos des autres, si ? Et puis.. « Excusez moi mademoiselle, la place est prise ? ». Cette voix masculine la tire brusquement de ses pensées. Elle se tourne vers son interlocuteur, et, après un court instant de réflexion, pousse la chaise en face d'elle du bout de son pied. « Je vous en prie.. ». D'un oeil attentif et discret, elle détaille un peu le jeune homme devant elle. Plutôt pas mal, quand om aime les hommes.. Oh, au point où tu es, tu peux bien faire une exception, Hope. Elle lui adresse un sourire charmeur avant de demander « Mauvaise journée ? ». En effet, il n'a pas l'air vraiment dans son assiette. Malgré son assurance et son côté presque décontracté, ses traits sont tirés et son visage assombri par un voile de fatigue. Elle penche la tête sur le côté.

Elle non plus n'a pas vécu la meilleure journée de sa vie aujourd'hui. Elle a passé toute l'après midi à écumer les bars, excitée par les trop nombreux cafés qu'elle a bu. Un exemplaire d'un journal est encore ouvert à la page des offres d'emploi dans son sac. D'un geste du pied, elle rabat son sac sous sa chaise et plonge son regard dans celui du jeune homme. Il a quelque chose, un truc, qui la met soudain en alerte. Elle se mordille la lèvre inférieure. D'habitude, son instinct ne trompe jamais.. « Au fait, moi, c'est Sixtine. ». Petite joueuse. Tu n'en as pas marre de te faire passer pour quelqu'un d'autre ? Tu n'en as pas assez de devoir te cacher ? Tout cela finira par te retomber dessus un jour.Oui, Hope a l'habitude de décliner une fausse identité au premier abord. Elle a l'habitude que les gens la connaissent sous un faux nom, sa vie tout entière tourne autour du mensonge depuis qu'elle a quitté le domicile "familial". Et la demoiselle n'a pas trop le choix, sinon, il y a bien longtemps que son casier judiciaire serait blindé. Blindé de plaintes pour vol, pour arnaque.. Et puis, quelque chose dans cet homme l'incite à se méfier encore plus. Ce serait bien le comble de tomber sur un flic, non ?

Pendant les quelques instants de sa réflexion, je me demandais si je n'allais pas me prendre un gros vent. Quand elle poussa la chaise, je fus presque soulagé. Elle m'aurait refusé la place, ça n'aurait rien changé, mais quand même. Je ne me fis pas prier, je m'assis sur la chaise avant de m'accouder contre la table pour la détailler du regard. Habitude de flic, il m'arrivait souvent de dévisager les gens. Elle avait beau être jolie, quelque chose me déstabilisait chez elle. Premièrement, elle m'avait trop vite cerné, en remarquant que mon moral n'était pas au beau fixe. Discerner ce genre de chose peut être simple, si on connaît la personne. Dans le cas contraire, c'est à force d'entraînement. Tout chez cette fille me semblait sympathique, mais indigne de confiance. J'étais parti pour draguer, je pouvais peut-être m'amuser un peu au passage. Elle n'avait pas l'air au meilleur de sa forme non plus. Quelque chose devait lui occuper l'esprit, au point de la rendre cinglée. Sans que cela m'intéresse, j'aurais été curieux de voir ce qui pouvait faire méditer à ce point cette jolie jeune femme. Je remarquais le café fumant, à peine entamé, et le journal ouvert. En plissant des yeux, je pensais reconnaître les offres d'emploi. Une chercheuse d'emploi, hein ? Tout pouvait s'expliquer. Je remontais mon regard sur elle. Je n'avais rien dit, rien fait, cela semblait lui suffire. Je l'aperçue se mordiller la lèvre, avant de doucement, et presque inconsciemment se redresser et changer d'attitude. Oh, non. Elle ne s’appelait pas Sixtine, j'en étais certain. Mais elle voulait jouer, nous allions jouer. Je déclarais d'une voix enjouée.


Je lui offrais un magnifique sourire narquois. Comment effrayer des gens qui ont des choses à se reprocher, leçon numéro un. Si elle, elle mentait, moi je ne préférais pas jouer à ça. J'allais m'imposer directement dans ce jeu stupide. Je n'avais pas caché mon métier, j'avais envie de voir sa réaction. C'était réellement la première fois où je me vantais presque d'être flic. La suite n'était que du bluff. Non, je ne l'avais jamais vu. Si elle avait un problème avec la police, je le remarquerais. Et ça s’avérerait amusant de traquer ses secrets jusqu'à découvrir sa véritable identité. Elle m'avait l'air douée. Si elle remarquait mon bluff, le jeu prendrait un tournant assez sympathique. Trouver la vérité dans un tas de mensonge sans queue ni tête, ça restait à essayer. Avec un air décontracté, du moins plus qu'en arrivant, j'avançais ma main vers le journal pour le rapprocher de moi et regarder un peu ce qu'il y avait de proposé. A savoir tous les boulots qu'on pourrait trouver dans un journal, rien de bien incroyable. Je m'attendais peut-être à trouver des annonces entourées en rouge. J'aurais bien voulu savoir par quoi "Sixtine" était intéressée. Je repoussais le quotidien, avant de m'appuyer contre le dossier de ma chaise, les bras croisés sur la poitrine. Alors ?

La brune croise les jambes sous sa table et lui sourit. Un sourire faussement assuré, qui est à la limite de trahir son jeu. S'il ne l'est pas déjà. Un flic ? Et bien, tu n'es pas tombé sur la victime la plus facile de toute ta "carrière", ma jolie Hope. Elle se contente de siroter son café, le regard un peu vague. Et bien, où est passée ta répartie légendaire ? Tu attends quoi pour passer à l'attaque ? Et puis c'est un homme, tu devrais savoir comment ils sont. Tu pourrais leur raconter n'importe quoi, tant que tu as une belle gueule, tout passe. Enfin.. Je serai toi, je ne ferai pas trop de folies avec celui-là. « J'ai de la chance de ne pas les connaitre, dans ce cas.. ». Oui, tu as de la chance. Mais combien de temps cela va-t-il durer ? Tu n'auras pas toute ta vie une veine inouïe, et il faudra bien un jour que tu assumes tes responsabilités. Assumer ses responsabilités.... Cette expression ne fait décidemment pas partie de son vocabulaire. « J'ai l'impression de t'avoir déjà vu quelque part.. ». Elle passe la main dans ses cheveux. Il est clair qu'il s'est pris à son jeu. Fait-il vraiment partie de la police, d'ailleurs ? Ou est-ce juste une tactique pour la déstabiliser ? Une vague de doute passe dans ses yeux pour disparaitre une fraction de secondes plus tard. Elle ne tient pas à perdre de sa superbe, et, d'habitude très bonne actrice, ne se laisse pas aussi facilement perturber. « Si tu as l'habitude de trainer dans les bars, on a sûrement dû se croiser. Mais.. Ton visage ne me revient pas, tu dois confondre. » Hop, problème esquivé. Elle ponctue sa phrase d'un sourire en coin. Bien-sûr qu'il ne l'a jamais vue. La brunette se fait discrète dans cette nouvelle ville, et ses victimes ne découvrent la supercherie qu'au petit matin, en voyant leurs maisons retournées et leurs tableaux envolées. Mais au moment de porter plainte, Hope est déjà devenue quelqu'un d'autre. Elle ne laisse pas d'empreintes, pas de numéro et pas d'adresse. Ils devront juste se contenter de son odeur sur les draps.. Comme c'est dommage.

Chris prend son journal et la brune ne peut s'empêcher de recroiser nerveusement les jambes. Hope.. À force de danser la polka sous la table, tu vas finir par te griller vraiment. Elle se redresse et examine son visage pendant qu'il regarde les offres d'emplois. Heureusement pour elle, elle n'a rien entouré, juste corné un article sur une prochaine exposition de tableaux de valeurs.. Esperons qu'il ne le voit pas, ou alors elle devra jouer la passionnée de peinture et finira par s'étouffer bêtement sous son masque. Il dépose le journal sur la table et la dévisage, semblant attendre une explication. Elle ouvre la bouche, s'apprêtant à l'éclairer un peu sur sa fausse situation. Fais gaffe, Hope. Il peut t'avoir à la moindre faille.. Lui aussi il est doué, dans son genre. « Mh.. Je cherche un boulot. J'étais barmaid. ». Ce n'est pas complètement faux. Tu as aussi été serveuse, coiffeuse, caissière, sdf, réceptionniste, et tu as même travaillé quelques jours dans un garage avant que ton patron ne se rende compte que tu ne sais même pas conduire une voiture. Ah oui, et tu as même fait preuve de bonne volonté en essayant une semaine le métier d'une femme de ménage, jusqu'à ce qu'on te chope au lit avec une cliente de l'hotel. Enfin, ça.. Il n'a pas besoin de le savoir. « Ça fait longtemps que tu es dans la police ? ». Hope s'est toujours demandé ce qui poussait les gens à exercer ce métier. Le pouvoir, peut-être ? Une certaine volonté que justice soit faite ? Ou tout simplement une vocation. Mais connaître les ambitions de son interlocuteur ne l'interesse guère. Elle cherche juste à savoir s'il est un "bleu". En effet, un bleu ne sait pas toujours reconnaitre les menteurs et n'a pas toujours la bonne tactique pour voir le mal là où il est vraiment..

C'était intéressant, les mensonges des gens. Le fait que je sois flic ne semblait pas du tout la surprendre. Elle avait du le deviner. Parce que personne n'aurait pu me faire gober que cette fille était clean. Tout de même...je ne puais pas le flic à 10m de la ronde, si ? "Sixtine" pouvait ne pas encore connaître mes supérieurs, si mon instinct était bon, elle traînait autour de trucs qui pourrait l'y amener. Peu importe mes paroles, elle mit un temps à rétorquer. Elle semblait réfléchir. Bonne idée, d'ailleurs. Parce que finalement, je n'allais pas draguer, mais embrouiller. Je ne l'ai jamais vu, je me fiche du fait qu'elle cherche un boulot, je veux juste comprendre cet état de stress. Si il m'était arriver de la croiser dans un bar, il ne fallait pas me faire croire que c'était parce qu'elle y bossait, contrairement à ce qu'elle prétendait. Son stress quant au journal réussit à me déstabiliser. J'avais loupé un indice. Revenir dessus était trop risqué, j'allais devoir faire sans. Je jetais un nouveau coup d'oeil en biais, mais rien qui ne puisse m'alerter...S'il y avait vraiment quelque chose d'intéressant, elle l'avait plus ou moins camouflé. Ou alors, j'étais passé devant sans le remarquer. En tant que flic égocentrique, c'était le comble. Je décidais de répondre à ses questions, interrogations. Puis même d'insister sur des points sensibles de l'histoire.


J'insistais sur le point que je l'avais déjà vue. Ca me semblait stupide, mais ça me donnerait peut-être des indices sur les lieux qu'elle fréquentait, et accessoirement qui elle fréquentait. Puis le fait d'avoir été virée...Ca semblait assez bien coller au personnage. Les femmes barmaid, surtout quand elles sont jolies comme cela, il n'y a pas trente mille solution. Soit c'est des incapables, soit elles ont fait un acte répréhensible comme voler. Les vols, chez nous, on en voit pas mal. Souvent en désespoir de cause. Peut-être cela pouvait-il correspondre. En creusant un peu...Lui proposer un boulot au sein du commissariat pour voir sa réaction, ça pourrait être hilarant en fait.


Sur ce point, je jouais franc jeu. J'étais flic, mais si je lui disais ça, c'était sûrement pas le genre "le moindre problème je te colle les menottes". J'étais déjà passer outre du trafic de drogue, je pensais pas découvrir pire chez cette jeune femme. Les mensonges mènent parfois à des trucs stupides. Notre discussion l'était. Une personne aurait écoutée, elle n'aurait vu qu'une discussion entre deux jeunes gens qui font connaissance. Quelqu'un de plus averti aurait compris quelques sous-entendus qui fusaient. Un de nous deux comprenait qu'on mentait, tout en sachant que l'autre le savait. Je questionnais encore une fois, avec un sourire en coin.

Hope garde la même expression, mi-charmeuse mi-décontractée. Expression qui ne lui correspond guère, car à l'intérieur, c'est un espèce de foutoir indescriptible. Son cerveau surchauffe à force de vouloir à tout prix contrôler ses gestes, ses manières, le ton de sa voix, son regard.. Elle cherche à prévoir ses réactions, sauf que lui est tout aussi impassible qu'elle. Ce ne sont que deux pantins, deux pantins qui jouent stupidement à deviner qui est réellement l'autre. Chris n'a pas l'air de mentir sur sa profession, et ça se sent. Cette assurance, ces questions paraissant innocentes mais pourtant ciblées, et puis ces yeux qui cherchent à sonder votre âme pour en tirer la vérité. Son coeur se met à battre un peu plus fort dans sa poitrine. Calme toi, Hope. Il cherche juste à te faire peur. Et ça marche. Elle avale une gorgée de son café et plonge son regard dans le sien. Il insiste, il est persuadé de l'avoir vue - ou du moins le fait-il croire. Hope se met automatiquement sur la défensive. Tout ça ressemble presque à un jeu d'échecs, et les pions de Chris ont pris un peu trop de terrain. Rétablissons un peu tout ça. La brunette prend une grande inspiration avant de se jeter dans l'arène. « Je ne vois vraiment pas, dans ce cas. ». Elle n'a encore jamais été derrière les barreaux, et elle ne deale pas.. Enfin, ne deale plus. Et puis, pourquoi a-t-elle été virée ? « J'ai répondu un peu trop violemment à un client qui dépassait les bornes.. Autant te dire que mon patron n'a pas du tout apprécié. ». Elle ne peut s'empêcher de sourire en se remémorant la scène. Elle lui avait balancé plusieurs bouteilles dessus, ce qui avait eu pour conséquences un séjour à l'hopital et quelques points de sutures. C'est dommage, Hope; servir des coktails est une des rares choses que tu sais bien faire. Et avec le sourire, s'il vous plaît.

Un mot prononcé par Chris attire soudainement son attention. "Dossiers".. Qu'entend-il par là ? Ça voudrait dire qu'il fouille les casiers judiciaires ou les fichiers classés confidentiels ? Hope étire ses lèvres en un sourire satisfait qui s'efface promptement de son visage. Un flic qui désobéit aux lois, n'est-ce pas un petit peu paradoxal ? Elle arque un sourcil avant de demander : « Tu.. t'intéresses aux documents "secrets" ? ». Elle n'est pas particulièrement étonnée : ce n'est pas le premier qui détourne un peu le réglement en sa faveur. Et puis après tout, il y a pire. Le jeune homme pourrait tremper dans des affaires de corruption, mais ça n'a pas l'air d'être vraiment son genre. Quoique, on ne sait jamais. Hope sait-elle vraiment qui il est ? Avec son aplomb déconcertant, le jeune homme pourrait lui raconter nimporte quoi sans qu'elle ne puisse jamais être sûre qu'il ne s'agit pas d'un mensonge. Elle pose ses deux mains sur la table, jouant un peu avec sa bague. Cette distraction n'est pas complètement innocente, elle cherche juste à poser son regard ailleurs que sur Chris, et éviter ainsi qu'il puisse lire dans ses yeux. Et puis, ça lui permet de montrer discrètement sa jolie bague en or. Quoi ? C'est de la provoc' ? Oui, un peu.

« Célibataire ? ». La question la surprend. Elle lève des yeux étonnés et fait face à son interlocuteur. Elle semble le jauger un peu, avant de répondre : « Bof. ». Quoi, bof ? Enfin, Hope, tu sais au moins si tu es célibataire ou non ! On est pas "bof", ça n'existe pas. Et puis, de quand remonte ta dernière relation ? * La nuit dernière. *. Et c'est quoi son nom ? * J'sais plus.. Mais elle était jolie. *. Elle soupire et passe la main dans ses cheveux. Elle ne peut quand même pas lui dire qu'elle est lesbienne, ça casserait le truc. Surtout que, quand ça l'arrange, elle n'hésite pas à faire quelques exceptions. Elle se reprend alors. « Enfin oui, je suis célibataire. Et toi .. ? ».

Au fur et à mesure que notre petit jeu avançais, chaque fois que je pensais enfin la coincer, elle s'en dépêtrait avec un habilité déconcertante. A mêler la vérité et le mensonge, elle allait finir par m'embrouiller la miss. Pour l'instant c'était 1-0, pour elle. Elle avait compris le subterfuge. Effectivement, je ne l'avais jamais vu, peu importe l'endroit, et sa tête ne me disait rien. Try again. En revanche, pour la suite, j'imaginais tout à fait la façon dont elle s'était fait virer. Malgré des petits airs innocents, ça ne devait pas être le genre de femme à se laisser marcher sur le pieds. Le contact direct avec la clientèle, très mauvaise idée quand on n'a pas un minimum de self-control. Je ne savais pas ce qu'avait fait ce pauvre client, mais à mon avis, il ne s'était pas pris juste une réflexion violente. Peut-être pas non plus une baston, m'enfin. J'eus un sourire amusé. La situation devait être comique, dis donc...Je ne fus qu'à moitié étonné par sa réaction, à l'énonciation de la motivation que j'avais d'être flic. J'avais beau dire, c'était pas très clean de ma part non plus. Je ne préférais pas m'étendre sur le sujet, parce que malgré sa tête d'ange, la confiance n'était pas encore prête à régner. Quoique, je n'aurais pas grand chose à faire si je lui dévoilais mes intentions. Le seul hic, je n'avais pas envie de lui révéler de la vérité avant de savoir plus de choses sur elle.


Honnêtement, ça m'étonnerait. Mais au moins, la chose était claire. "Sixtine" baissa les yeux pour se concentrer sur sa bague, qu'elle faisait tourner entre ses doigts. Elle voulait sans doutes que je le remarque. Ni chaud ni froid, je crois. La façon dont elle avait bien pu se procurer cette bague ne m'intéressait pas vraiment. Héritage familial, cadeau, vol, les trois pouvaient être crédible. Pour les vols, si je devais essayer de me souvenir de tous ceux qui nous ont été signalé, j'avais pas fini de fouiller. Quoique, à l'occasion, je pourrais essayer. Je lorgnais fixement sur la blague, tentant de me la mémoriser. Sans la discrétion, bien entendu. Elle avait beau mentir, elle avait tout l'air de la fille trop maligne pour avoir un casier.

J'avais beau essayer, je ne comprenais pas sa réaction, et sa réponse à ma question. C'est pas tellement compliqué de savoir si on est en couple ou non...enfin je crois. "C'est compliqué", j'aurais peut-être pu comprendre. "Bof", pas du tout. Des histoire d'un soir qui s'accumulent ? Mouais...Heureusement pour moi, elle rattrapa rapidement son coup. Célibataire. C'était déjà plus clair. Pourquoi le sujet semblait l'embarrasser ? Au point où on en était, elle ne pouvait pas croire que je la draguais. C'aurait été trop gros à croire. Oui, j'étais célibataire, et incapable de faire durer une relation plus de deux jours. Trop distant, trop désintéressé, trop infidèle, trop...plein de défauts. C'était sûr que je n'étais pas le genre de mec digne du prince charmant.


Comment résumer mon point de vue en deux phrases. On me trouve macho et insolent, je ne le nie pas. Faut me connaître pour m'apprécier, et encore, parfois c'est pas suffisant. Je soupirais, cherchant de quoi meubler la conversation. Elle avait réussi à me couper l'inspiration...Me restait plus qu'à insister sur les détails, en espérant toucher des cordes sensibles.