Il y a toujours des moments de sa vie qu'on souhaiterait effacer, oublier. Mon enfance et mon adolescence en font inexorablement parti. J'ai longtemps pris sur moi, trop naïve pour comprendre la réalité. Mais au fil des journées, j'ai compris. Revenons au commencement.
Je ne vais pas chercher à raconter mon existence à partir de souvenirs autres que les miens. Les premières choses dont je me rappelle, c'est d'une violente dispute. Je devais avoir 5ans, peut-être 6. Je jouais dans ma chambre seule, comme d'habitude. La maison était calme. Jusqu'à ce qu'un bruit de verre brisé vienne troubler ce silence. Suivi par des cris, qui dérivèrent en conflit. De ma chambre, je n'arrivai pas à entendre tout ce qu'il se disait. Le peu que je parvenais à comprendre, ce n'était que des ramassis d'insultes. Assez pour me terroriser. A l'époque, je ne comprenais pas. Était-ce ma faute, s'il se disputaient ? Je me repassait cette question en boucle. Crédule, j'avais descendu l'escalier pour aller m'excuser. De quoi, je ne le savais pas. Mes parents avaient cessé de hurler et s'étaient tourné vers moi. Ma mère avec un regard suppliant. Mon père, prêt à me sauter à la gorge. C'est l'impression que j'en garde. Comme la petite fille que j'étais, j'avais choisi de me cacher dans les jupes de ma mère. Je regardais mon père.

« Arrête de crier sur Maman, t'es méchant !
-Ferme-la toi ! »

Puis, une claque. La surprise fut pire que la douleur. Pour la première fois de ma vie, on me frappait. Je crois que c'est ce souvenir qui est le plus douloureux, car ça n'aura été que le début d'une vie en enfer. Mon premier souvenir date d'une claque.

Depuis ce souvenir, je me souviens avoir vu ma vie défiler au ralenti. Les jours passaient, toujours dans la même ambiance. Disputes, coups, et rebelote. Cette ambiance de vie m'a sans doute marquée. Ma vie sociale s'est vue limitée. Je suis devenue assez introvertie. Bien que quelques amis soient là pour moi, je n'étais pas sociable. Renfermée sur moi-même, j'ai commencé à écrire. Encore et encore, jusqu'à en avoir mal au poignet, jusqu'à ce que toute la haine qui s'accumulait en moi s'en aille. Plus d'une fois, mon père me brimait et jetait ce qu'il appelait "un tas de conneries". Je ne lui ai jamais pardonné d'avoir pu me faire souffrir. En grandissant, j'ai réalisé. J'ai eu beau lui chercher des excuses, il n'y en avait aucune de valable, ou d'assez valable pour l'excuser. Je me suis mise à le haïr.

Ce n'est qu'à mes 17 ans, après ma rencontre avec cet homme, que ma vie a pris un autre tournant. La vérité s'est imposée à moi, sans que je lui demande quoi que ce soit. Je perdais du temps et me détruisait à lutter contre elle. J'étais rentrée, j'avais tout préparé. Mes affaires s'étaient entassées dans un sac de voyage, et le soir même, je les quittais. Sans regrets. Je ne savais pas que faire de ma vie, mais il était temps de la commencer. J'étais dans un état d'excitation que personne n'avait déjà pu voir chez moi. Passé le pas de la porte, l'air froid qui me claqua au visage me parut accueillant. Je ne laissais derrière moi que des souvenirs et des bouts de papier.