Hell or High Water - Anberlin.

Ah. Bordel. C'est quoi ce bruit ? Ça sonne se plus en plus fort en plus. Ta gueule. Mais ta gueule. MAIS FERME-LA PUTAIN.

La rouquine prit le téléphone portable et le balança à l'autre bout de la pièce - ce qui ne désactiva pas pour autant la sonnerie. Grogneuse, elle se leva et ramassa le téléphone. Enfin, elle put éteindre cette saleté qui la rendait parano de tous les bruits ressemblant à ce fichu réveil. Elle l'observa pendant dix bonnes secondes, le temps de se réveiller. Un affreux mal de tête la prit. Elle attrapa une couverture dans la salle de bains, l'air encore embrumée, puis elle se rendit seulement compte de l'endroit où elle était. En fait non, vu qu'elle ne savait pas où elle était. Paniquée, elle revint dans la pièce principale, et découvrit la réalité, prête à s'en décrocher la mâchoire. Bordel. Y'a une fille qui dormait dans le même lit que moi. On se passera de commentaires sur la pertinence de l'affirmation.

Les yeux grands ouverts, elle arrangea ses cheveux et s'assit sur une chaise dirigée face à un petit bureau. Non, elle avait beau la regarder sous tous les angles, ce n'était pas Wendy. Elle lança un regard circulaire à la pièce, ramenant ses cheveux roux d'un côté de son épaule gauche. Elle amena une main à sa tête. Elle avait l'impression qu'un exécrable petit personnage la frappait sans cesse. Elle se leva, faillit tomber mais rétablit son équilibre. Elle fouilla dans l'armoire à pharmacie. Vide ? D'habitude, on a toujours un ou deux médocs à portée de main, du genre une bête boîte de Dafalgan, de l'aspirine ou autres ... Elle s'appuya à l'évier, totalement sonnée.

Un souvenir. Rien qu'un. Même le début. Ou la fin. Ou le milieu. Qu'importe, un putain de souvenir pour qu'elle puisse un peu reconstruire ce qui s'est passé ... Un. Elle en avait un. Elle se concentra dessus et put vaguement revoir le début de sa précédente soirée. Elle avait décidé de rentrer dans un bar - pour une raison qui lui échappait, enfin toujours est-il qu'elle y a été -. Et l'autre blonde y était aussi. Son prénom ... son prénom ... Euh ... Victoire, ou Victoria ? Elle ne savait pas exactement. Un des deux, sans l'ombre d'un doute. Et puis elles avaient bu. Beaucoup bu, même à outrage. Ses pensées se bloquèrent. L'alcool faisait faire des choses jamais très nettes. Lentement, elle se dirigea vers la porte de sortie de la chambre. Un long couloir, des numéros affichés sur les portes. Un hôtel. Bordel. Un hôtel. Avec une fille qu'elle connaissait à peine, et de l'alcool. Il n'y avait plus de doute possible. Elle ferma brutalement la porte, ce qui fit un bruit de tous les diables.

Dallace fut prise d'une haine impossible à contenir. Elle glissa contre la porte d'abord. S'accroupissant, elle tentait de réguler ce flot qui la prenait, comme lorsqu'elle était plus jeune encore et qu'elle ressentait l'envie de cogner n'importe qui, n'importe quoi, du moment qu'elle sentait quelque chose se briser. Elle se leva, hors d'elle, attrapa la lampe à côté de la tête du lit où dormait l'autre, et elle la fracassa à terre - la lampe, pas la fille. La rouquine fit les cent pas, sentit le mal de tête revenir, sa colère s'accentua encore. Elle prit encore quelques objets et les réduisit en miettes. Enfin, lorsqu'elle fut calmée, elle s'écroula par terre, s'en voulant et en voulant au monde entier. A genoux, prise à nouveau de maux de tête lancinants, elle devait avoir l'air pitoyable. Un cri déchira sa gorge.

« MAIS BORDEL ! »

J’avais encore passé une soirée à draguer dans les bars. Je me souviens que cette soirée-là, j’avais dragué une rouquine. Elle était plutôt mignonne et elle était disponible pour coucher avec moi. On avait bu… Enfin surtout elle. Quant à moi, j’avais fait attention à ne pas dépasser ma limite afin de pouvoir me souvenir de la soirée de passion qui allait succéder à notre début de soirée au bar. Le lendemain, je n’entendis pas le téléphone portable de la rouquine, qui se prénommait Dallace si je ne me trompais pas. Cependant je me réveillais lorsqu’elle passa à côté de moi pour attraper la lampe et la fracasser par terre. Je me relevais dans le lit, serra le drap contre ma poitrine. Elle ne me remarquait pas alors qu’elle brisait d’autres objets. Qu’est-ce qui se passait dans sa tête ? Finalement elle hurla. J’avais peut-être fait une connerie en couchant avec elle… Il y avait peut-être quelque chose d’autre, quelque chose qu’elle ne m’avait pas dit. Je me levais, évitant précautionneusement les morceaux de verres. Je récupérais ma petite culotte puis mon t-shirt et les renfilai. Je me dirigeais vers la rouquine, m’agenouillai en face d’elle et la prit dans mes bras.

-Hey, ma belle… Qu’est-ce qui se passe ? Je t’ai fait du mal ? Dis-moi s’il y a quelque chose qui ne va pas ?

Dallace était encore nue malgré la couverture qui cachait sa nudité. Je la regardais et je me disais que quelque chose clochait vraiment. Je me demandais même si elle n’avait pas déjà quelqu’un à moins que je ne sois la première fille avec laquelle je couchais. Je lui frottais les bras d’un geste tendre et l’embrassais sur le front. Je n’avais pas envie de la perturber encore plus en l’embrassant directement sur les lèvres. Je jetais un petit coup d’œil dans la chambre, il allait falloir payer les objets cassés par Dallace. Je me détachais d’elle pour aller lui chercher ses vêtements éparpillés sur le sol et les lui tendre. Je me grattais légèrement la tête, un peu embarrassée. Je ne savais vraiment pas quoi faire pour apaiser la jolie rouquine.

Assise par terre, la courte serviette l'entourant encore, elle descendit ses mains au sol. Elle jeta un vague regard tout autour d'elle. Eh bah. Elle en avait cassé, des objets. Le multimédia avait heureusement échappé au massacre, et la vague idée de " payer le matériel dégradé " effleura l'esprit embrumé et haineux de Dallace. La lampe était assurément la plus irrécupérable - elle aurait eu un marteau sous la main qu'elle l'aurait achevée afin de la rendre encore plus impossible à remonter -. Désormais, la jeune femme était juste habitée par un sentiment plus ou moins fort de culpabilité et de sérénité toute relative. En comparaison avec son attitude quelques instants auparavant, elle était effectivement d'un calme olympien.

Elle commençait à avoir froid, comme ça. Ce fut à cet instant qu'elle remit à nouveau sa mèche en place et qu'elle s'aperçut enfin que l'autre était réveillée. Oh. Ce n'était guère étonnant, elle avait fait un boucan de tous les diables. Elle ne put s'empêcher de lui décocher un regard méchant et de presque siffler comme une vipère en colère. Lorsqu'elle s'agenouilla face à elle, Dallace ne lui offrit pas le moindre regard. La blonde la prit tendrement dans ses bras. La rouquine fut tellement surprise qu'elle ne protesta même pas. Ah, oui. C'est commun, une fille qui casse tout dès qu'elle se réveille. Tellement courant ... Elle ne devait plus en faire une formalité, hein ? Non mais sans rire. Ça va ? Je rêve. Elle me demande ça, quoi. Bah oui, ça va ma chérie. Je déborde tant de joie de vivre que j'ai dû briser la moitié des objets que contenait cette chambre d'hôtel. Chouette comme façon d'exprimer que t'es heureuse, hein ? Non mais, c'est vraiment ça qu'elle veut que je lui réponde ?

La jeune femme aurait presque rit de la scène assez grotesque qu'elles présentaient toutes deux. Mais aujourd'hui, elle n'avait pas vraiment envie de rire ou de s'amuser. C'était même une des rares fois où elle prenait la situation au sérieux sans rien prendre de manière dérisoire. Plongée dans ses pensées sarcastiques, elle frémit sous le contact de la main de la blonde. Elle caressait doucement sa peau, affichant clairement sa tendresse pour la rouquine. Elle avait envie de lui exploser à la gueule. De se lever, de la projeter au sol, de lui filer des coups de pieds jusqu'à ce qu'elle s'en fêle trois côtes. Finalement, elle se leva et lui ramena ses vêtements. Enfin, Dallace se donna la peine de lever la tête vers elle. Avec un rictus semblable à un sourire, elle les lui arracha des mains avant de foncer s'habiller dans la salle de bains. Oui, elles avaient couché ensembles. C'était avant qu'elle ne se rende compte de ce qu'elle avait vraiment fait. Elle pouvait toujours crever pour la revoir nue à nouveau. Une fois habillée, elle revint dans la pièce en ouvrant la porte à volée. Elle ne s'approcha pas de l'autre, s'assit sur le lit sans un mot.

Victoria. Le nom lui revint d'un coup. D'un ton posé mais légèrement tremblant, elle adressa enfin la parole à la blonde.

« Je vais bien. Non, vraiment. Tout va très bien, tu sais. J'ai couché avec toi alors que j'ai une copine. C'est nickel. Et puis non, tu ne m'as absolument pas fait de mal. J'étais à peine bourrée, je savais à peine pas du tout ce que je faisais, on a à peine couché ensembles. Nan mais, t'y es pour rien. »

Elle la fixa tout le long de son monologue, le ton devenant de plus en plus amer au fil des mots. Elle se leva, effleura les morceaux brisés à terre du bout du pied. Et, bien sûr, se coupa. D'abord, elle observa la blessure, puis se rendit compte que oui, ça fait mal, et que oui, ça saigne. Vous voulez une nouvelle remarque merveilleuse de Dallace ? En voici en voilà.

« Ah. Merde. Ça va faire des tâches sur le sol, ça. Oh, et m'approche plus, au fait. J'me débrouille. Tu m'embrasses encore, où que ce soit, je t'atomise et je préviens ma copine pour qu'elle t'achève. »

Cette tirade, par contre, fut dite sur un ton neutre et serein à en être déconcertant. Tranquillement, elle prit des pansements dans son sac - eh oui, elle avait son sac - et appliqua l'un d'eux sur sa blessure. Puis, avec un sourire goguenard, elle observa la blonde. Elle pencha légèrement la tête sur le côté, ce même sourire accroché aux lèvres, provocateur.

« Alors, Victoria ? Tu comptes faire quelque chose, ou me dire en bon esprit de mauvaise foi que tout est ma faute ? »