Enceinte de trois semaines. Ces mots tu ne les avais pas entendus. Tu les avais lus. La petite machine les avait froidement affichés sur l'écran en lettres pixellisées, fatales. Assise sur le bord de la baignoire, tu les lisais encore et encore, espérant qu'elles allaient changer, que l'appareil avait fait une erreur. Mais ça ce n'est pas possible. Pour la première fois depuis longtemps tu te laissas aller. La tête entre les mains, tu pleuras. Jamais tu ne pleurais en public, tu avais ton orgueil, ton honneur. Tu ne voulais pas qu'on te croie faible. Mais quelle est la véritable faiblesse ? Montrer aux autres ses sentiments ou se claquemurer dans une forteresse imprenable, cachant qu'à l'intérieur tout n'est que ruines ? La forteresse prenait l'eau. Tu pleurais certes mais était-ce de joie ou de désespoir ? Peut-être un peu des deux. Être mère. Un tel poids, une telle joie. Tu avais toujours rêvé de t'entendre dire maman, de serrer dans tes bras un petit être qui t'aimerait. Mais c'était trop tôt, bien trop tôt. Et pour ton enfant tu aurais voulu un père exemplaire, pas un baltringue tatoué qui n'avait aucune promesse d'avenir. Après tout tu pouvais toujours le lâcher et garder le bébé. Mais l'enfant aurait besoin de quelqu'un. Pourquoi ne pas se trouver vite un homme respectable et lui faire croire qu'il était le père ? Mais tu t'y refusais également. Parce qu'au fond toi, tu saurais bien qui était le géniteur. Alors trois petites lettres se mirent à trotter dans ta tête. Trois petites lettres bien connues, redoutées et controversées. IVG. Quel dommage, être maman t'aurait tant plu.

« T'es moche, t'es con, tu ressemble à un vieux con et tu pues le tabac froid. Regarde-toi, t'es qu'un déchet. J'étais enceinte de toi, j'étais heureuse, mais j'ai avorté, et je l'ai regretté. Mais quand je t'ai revu, j'ai su pourquoi. Je voulais pas que mon gamin soit une putain d'épave. Je te quitte. » Ces paroles sortaient du fond de ton coeur. Il ne les avait pas méritées au fond mais c'était ce que tu croyais. Je t'avais rarement vu aussi méchante que ce jour-là. Lui non plus visiblement. Il avait déjà eu l'occasion de tester tes phrases assassines lors de vos disputes mais là tu lui avais fait toucher le fond. Tu t'étais toujours servie de lui ; tu l'avais aimé, un peu, beaucoup, passionément, à la folie, pas du tout.Il t'avait aimée ça c'est sûr mais toi au fond qu'est-ce que tu en pensais vraiment ? Je suis sûre que ce n'était pas exactement ce que tu venais de lui dire. Et puis tu étais partie en claquant la porte et en éteignant la lumière, le laissant dans le noir. ( je cherchais juste un moyen de le placer )

« T'as vu ce mec dans les journaux ? On dirait ton ex. » Normal c'était lui. Quand tu étais partie tu avais encore des photos de lui dans ton portable. Tu les avais effacées bien sûr mais cette amie avait eu le temps de les voir. Elle devait avoir bonne mémoire pour le reconnaître, mais là n'est pas la question. La question c'était que ce baltringue avait réussi à faire quelque chose de sa vie. Et pas toi. Et tu ne pouvais pas l'encadrer. Propriétaire de chevaux de course de grande qualité. Pfeu. Il était célèbre et toi tu étais coincée en Russie. En même temps qu'elle idée tu avais eue d'aller là-bas pour apprendre la langue, tu aurais dû aller aux Etats-Unis. A partir de ce jour tu décidas d'aller le rejoindre dans cette ville nommée Newscastle, pour le retrouver, lui extorquer de l'argent, lui pourrir la vie.